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Avant l'aube streaming regarder en ligne 1440p

Critique lors de la sortie en salle le 02/03/2011

Par Pierre Murat

Claude Chabrol doit se réjouir. Et Georges Simenon, aussi. Après un premier film prometteur mais inabouti, Barrage, Raphaël Jacoulot imagine une histoire comme le cinéaste et le romancier les ­aimaient. Un de ces faux polars, prétexte à sonder la « pâte humaine » dans son trouble et son ambiguïté. Un film d'action où l'action s'efface, ce qui est tu l'emportant sur ce qui est montré. Un homme disparaît. Le client d'un hôtel luxueux et ouaté, isolé dans les neiges pyrénéennes. On retrouve son corps, à l'aube, dans un ravin. Un chauffard l'a percuté, une nuit de tempête et, bien sûr, s'est enfui sans s'arrêter. Le patron de l'hôtel (Jean-Pierre Bacri) sait bien qui est ce fuyard. Et son nouvel employé (Vincent Rottiers) l'a compris lui aussi. Tous deux se taisent et mentent à la police. L'un par devoir, l'autre, par ­respect.

C'est cette entente muette, cette complicité bizarre que filme le cinéaste. Insensiblement, le patron recherche la présence de l'employé, il l'aide, le soutient, le protège. Il le loge à l'hôtel, à la grande surprise de son entourage, notamment de son épouse (Ludmila Mikaël, toujours parfaite dans la suggestion), il l'introduit dans son cercle familial. Pour s'assurer de son silence, évidemment. Mais pas seulement. un sentiment vrai et très « simenonien » semble éclore en lui. Quelque chose qui ressemblerait à des retrouvailles avec ses propres racines. Face à un fils légitime qu'il a déçu et qui le déçoit, ce jeune étranger silencieux, avide de bien faire puisqu'en réinsertion sociale, fait renaître en lui tout ce qu'il a été, jadis. Simenon a plusieurs fois, et brillamment, décrit ces retours aux sources, dans des romans comme Lettre à mon juge ou En cas de malheur. Jean-Pierre Bacri, à la sobriété toute récente, découverte dans Adieu Gary, de Nassim Amaouche, et Vincent Rottiers, révélation de Je suis heureux que ma mère soit vivante, de Miller père et fils, semblent, donc, constamment se répondre pour mieux se confondre. Regard contre regard, silence contre silence.

Evidemment, même si elles s'endorment un moment, les classes sociales se réveillent très vite. Les possédants berneront toujours les possédés ; Chabrol nous a rappelé bien des fois cette règle sans faille dans des films féroces et sulfureux dont le meilleur est sûrement La Cérémonie. Raphaël Jacoulot l'illustre, lui aussi, mais en douce, avec un petit côté sainte-nitouche particulièrement délectable. Il a le sens de l'espace et des pauses, qui plus est. Celui de la fantaisie, aussi, surgissant par intermittence, notamment avec ce personnage de fliquette décalée qu'interprète avec une feinte candeur Sylvie Testud. Le plus passionnant reste, cependant, l'acuité avec laquelle il observe ce jeune homme au passé trouble - dont on ne saura rien - faire vaciller, sans le vouloir, une bourgeoisie sans âme. Tout en devenant, peu à peu, le jouet d'une machination qui le dépasse, où il se perd.

Critique du 04/10/2014

Par Pierre Murat

| Genre. et aprГЁs Chabrol.

Un homme disparaГ®t. Le client d'un В­hГґtel luxueux et ouatГ©, isolГ© dans les neiges pyrГ©nГ©ennes. On retrouve son corps, Г l'aube, dans un ravin. Un chauffard l'a percutГ© une nuit de tempГЄte et s'est enfui sans s'arrГЄter. Le patron de l'hГґtel sait bien qui est le fuyard. Et son nouvel employГ©, aussi. Mais tous deux mentent Г la police.

C'est cette entente muette, cette complicité bizarre, que filme le cinéaste. Insensiblement, le patron recherche la présence de l'employé, il l'aide, le soutient, le protège. Pour s'assurer de son silence, évidemment. Mais pas seulement. un sentiment, jadis décrit par Georges S­imenon dans ses romans, semble éclore en lui. Face au fils légitime qu'il a déçu et qui le déçoit, il retrouve, grâce à ce jeune en réinsertion sociale, ses propres racines. Et, donc, Jean-Pierre Bacri et Vincent Rottiers semblent constamment se répondre, regard contre regard, silence contre silence.

Evidemment, mГЄme si elles s'endorment un moment, les classes sociales se rГ©veillent trГЁs vite. Les possГ©dants berneront toujours les possГ©dГ©s. Chabrol nous l'a rappelГ© bien des fois. RaphaГ«l Jacoulot l'illustre en douce, avec un petit cГґtГ© sainte-nitouche particuliГЁrement dГ©lectable. Il a, visiblement, le sens de l'espace. Celui de la fantaisie, aussi, qui surgit avec le personnage de fliquette dГ©calГ©e qu'interprГЁte avec une feinte candeur Sylvie Testud. Le plus passionnant reste, cependant, l'acuitГ© avec laquelle il observe ce jeune homme au passГ© trouble — dont on ne saura rien — faire vaciller, sans le vouloir, une bourgeoisie sans Гўme qui le perd. — Pierre Murat